DiscoursPrésidence

Allocution de SEM Félix Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO Président de la République Démocratique du Congo et Président en Exercice de la CEEAC et de la SADC sur le financement de la Transformation de l’éducation en Afrique centrale

Excellence Monsieur le Président du Sénégal

Excellence Monsieur le Président du Malawi

Excellence Monsieur le Président de la Tunisie

Excellence Monsieur le Président du Ghana

Excellence Monsieur le Président de la Banque Africaine de Développement,

Excellences,

Mesdames et Messieurs

Tout protocole observé,

Parler de la transformation de l’éducation au plan régional m’amène à assumer ma bi-appartenance, c’est-à-dire de porter mon regard sur les deux Communautés Économiques Régionales dont j’assure actuellement la présidence tournante : la CEEAC et la SADC.

En Afrique australe, en dépit des améliorations observées, les taux de scolarisation restent en deçà des moyennes continentales et internationales. D’où l’importance du Plan Indicatif Régional de Développement de la SADC (RISDP) 2020-2030. Délimitant ses objectifs stratégiques, ce plan vise à « accroître l’accès à une éducation pertinente de qualité tournée vers le développement des compétences, de la science et de la technologie. Il a également prévu un pilier dédié au développement de la coopération et de la mobilisation des ressources et le processus de financement de la transformation de l’éducation dans les plans de développement sectoriel.

Quant à l’Afrique centrale qui retient particulièrement mon attention, il est difficile de faire l’inventaire du passé et encore moins du présent. Ce chantier, bien qu’important et décisif pour notre avenir commun, n’a été véritablement ouvert que cette année 2022, les initiatives précédentes dans le secteur de l’éducation n’ayant jamais été suivies de réalisations concrètes au niveau régional. C’est ce qui fait que sur cette question, les États pris individuellement ont une bonne longueur d’avance sur la Région. C’est, dans une large mesure, ce qui justifie notre volonté d’organiser, dès ce mois de novembre 2022, en République Démocratique du Congo, des assises régionales de l’Éducation, des Sciences, de la Technologie et de l’Innovation. Il s’agira justement d’aborder les questions de transformation de l’éducation dans l’espace CEEAC.

Pour préparer ces assises, la CEEAC vient de développer un tableau de bord automatise sur l’éducation en Afrique Centrale, avec l’appui technique de l’UNICEF. Ce tableau de bord aide nos États membres et la CEEAC à produire des analyses désagrégées et axées sur l’équité qui sont essentielles pour guider les discussions et l’élaboration de plans et politiques pour une éducation réellement plus inclusive et équitable, qui pourra alors effectivement renforcer notre capital humain. 

Comme partout ailleurs, notre région n’a pas échappé aux affres de la pandémie du COVID-19, avec comme conséquence un changement de paradigme. En effet, ayant tiré les leçons de la crise sanitaire Ébola, la CEEAC a choisi d’orienter ses efforts vers l’accélération de « l’éducation résiliente », appuyée en cela par l’UNICEF, qui a initié une réflexion sur la question en décembre 2018. « L’éducation résiliente » doit être comprise ici comme étant le fait de donner à tout « Afro-centralien », c’est-à-dire à toute personne originaire de l’Afrique centrale, à travers l’offre régionale de l’éducation, la capacité de devenir une solution transformatrice, un agent de changements constructifs dans son environnement naturel ou d’accueil, par l’acquisition de savoirs et de compétences spécifiques.

Forte de chiffres encourageants au plan de l’éducation et des enjeux que représente le dividende démographique, l’Afrique centrale dispose d’atouts indéniables. Sa population, fortement urbanisée, est principalement composée de jeunes. A l’horizon 2030, presque la moitié de ses habitants aura moins de 18 ans. Même si les taux de scolarisation sont encore très loin d’atteindre l’objectif mondial des 100 %, dans plusieurs Etats de la CEEAC, on relève une augmentation du nombre d’enfants qui ont accès à l’éducation primaire et secondaire. Toutefois, un gap persiste entre la fréquentation de l’école et l’appropriation des compétences fondamentales. Enfin, en matière de financement, les pays de la CEEAC n’allouent en moyenne que 15% des dépenses publiques à l’éducation. Ce qui est de 5 points de pourcentage inférieur à la cible de l’Union africaine qui est de 20%.

Cet état des lieux sommaire prouve combien il est indispensable de travailler à la mise en œuvre d’une éducation universelle, inclusive, équitable et de qualité, qui n’est pas seulement un droit humain inaliénable, mais aussi le gage d’une prospérité et d’un développement durable et harmonieux de nos États et une plus-value génératrice de paix, de sécurité et de stabilité.

Jeune, en termes démographiques, l’Afrique est appelée à détenir une force sociale et économique majeure dans le monde. Elle devra pour cela, à très court terme, apporter une contribution significative pour valoriser et promouvoir le capital humain par la formation, l’innovation et l’entrepreneuriat au bénéfice du bien-être collectif. Cette exigence nous a inspiré la nécessité de mettre en place le Système de l’Économie Régionale de l’Éducation, des Sciences, de la Technologie et de l’Innovation. Ce sont, entre autres, ces grandes décisions que nous devrons prendre en novembre prochain lors de la réunion des ministres sectoriels qui se tiendra en République Démocratique du Congo.

S’agissant du financement de la transformation de l’éducation, il va sans dire que nous développons tous les mêmes mécanismes  de financement interne. Nous nous employons dans la mesure du possible à aménager les marges budgétaires de nos gouvernements pour accroître le financement de l’éducation. Pour ce qui est du financement externe, nous aurons toujours recours à l’aide publique au développement ; tenterons d’améliorer et de rendre plus performante notre recherche de financements innovants ; et, osons-nous espérer, nous nous évertuerons autant que faire se peut, à limiter la contribution des ménages.

Il reste que même si on exige des États plus d’efforts budgétaires en faveur de l’éducation, leurs ressources internes ne suffiront pas à financer l’éducation préscolaire, primaire et secondaire du premier cycle. Toute chose nous exposant à un déficit de financement résiduel, au risque de devoir recourir à l’aide publique au développement, ainsi qu’à d’autres mécanismes de financements internationaux. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de la CEEAC, nous envisageons de travailler davantage sur les stratégies d’autofinancement de l’éducation. Mais comment donc l’éducation peut-elle s’autofinancer ?

Probablement, à travers la mise en place d’une structure d’encadrement qui constituera l’un des piliers du Système de l’Économie Régionale de l’Éducation, des Sciences, de la Technologie et de l’Innovation dénommé « pilier du Financement et de l’Autofinancement de l’Éducation, des Sciences, de la Technologie et de l’Innovation » et qui servira d’appui :

– au financement de l’éducation à partir du développement des secteurs à forte productivité comme la culture, le tourisme, etc., qui permettront de produire des fonds propres, sur la base du prélèvement d’un taux sur la valeur ajoutée des biens ou services culturels produits ;

– à la conception des Activités Génératrices de Revenus (AGR) dans le cadre de l’éducation ;

– à rendre autonomes les acteurs et les bénéficiaires des biens et services de l’éducation par le développement d’une culture en matière de financement et d’autofinancement de projets éducatifs.

Ces mécanismes de financement et d’autofinancement sont d’autant plus nécessaires que même si l’on venait à exiger des États membres plus d’efforts budgétaires, comme le suggérait déjà un rapport de la Conférence des Ministres de l’Éducation des États et Gouvernements de la Francophonie (CONFEMEN) en 2019, les ressources internes seraient toujours largement insuffisantes pour couvrir les objectifs régionaux. La contraction des marchés financiers régionaux et mondiaux ne nous permet plus de dépendre des financements extérieurs pour espérer répondre à nos besoins réels, et atteindre nos objectifs en matière d’éducation.

Excellences,

Mesdames, Messieurs,

L’opérationnalisation de ces mécanismes de financement et d’autofinancement de la transformation de l’éducation ne pourra se faire sans le concours technique et financier des partenaires au développement, au premier rang desquels l’UNESCO, l’UNICEF, le PAM, l’Union Européenne, et toutes les autres agences dont la collaboration nous est tout aussi précieuse.

Je vous remercie pour votre aimable attention.

 

 

 

 

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